Une lutte pour la survie

Alors que la sécheresse, la pénurie d’eau et les conflits menacent la vie de millions de personnes en Afrique, la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge travaillent à prévenir l’aggravation de ce drame humanitaire sans précédent.

L'appel à l'aide de l'Éthiopie

« Parfois, j’ai le sentiment que j’aimerais disparaître d’ici afin de ne pas voir mes enfants souffrir. Mais je ne peux pas les quitter. »

Par Kathy Mueller, Croix-Rouge canadienne

Tenant sa fille la plus jeune d’une main et un bidon de 20 litres rempli d’eau dans l’autre, Abebech Ayanu peine à parcourir la courte distance qui la sépare de sa maison.

La sécheresse s’est déplacée du nord de l’Éthiopie au sud, dans le district de Kindo Koysha. C’est là où habite Abebech avec sa famille. Abebech ne veut pas renverser une goutte de son précieux liquide.

« La sécheresse a affecté ma famille, mes enfants, mon mari. Mon mari est allé travailler sur les chantiers routiers comme ouvrier journalier, parce qu’il n’y a rien à cultiver. Il n’y a pas de pluie, rien ne pousse », explique Abebech, alors que ses bêtes ratissent le sol aride pour tenter de trouver quelques miettes.

« Avant, nous avions l’habitude de semer du maïs, mais depuis plus d’un an, il n’y a pas eu de pluie, donc pas de culture. J’ai déjà perdu du bétail. Mes enfants sont affamés et il n’y a pas d’eau. »

Comme c’est le cas pour toutes les sécheresses, celle-ci se préparait depuis longtemps. Selon les fermiers locaux, la saison des pluies est arrivée de plus en plus tardivement au cours des dernières années et, depuis 2015, les pluies ont tout simplement cessé. Ne pouvant semer quoi que ce soit, les familles ont épuisé leurs réserves de nourriture. Le mari d’Abebech gagne 35 birrs éthiopiens (2 $) par jour depuis qu’il a troqué ses outils agricoles pour ceux d’un ouvrier. C’est bien peu, étant donné que le prix des aliments de base ne cesse d’augmenter.

« Au marché, certains grains de céréale coûtent maintenant très cher. Je voudrais vendre mes animaux pour en acheter, mais il n’y a pas de marché pour ça. »

La mère de cinq enfants ans est retournée sur les bancs d’école pour terminer sa 5e année, mais elle a dû abandonner à cause de la sécheresse. Ses enfants aussi s’absentent souvent de l’école. « La sécheresse a beaucoup affecté la santé de mes enfants. Ils ne peuvent pas aller à l’école parce qu’ils sont fatigués. Même s’ils y vont, je n’ai rien pour les nourrir à leur retour. »

Depuis la fin du mois de février, la Croix-Rouge éthiopienne distribue de l’eau dans de nombreux villages, y compris dans celui d’Abebech. Mais comme il n’y a qu’un seul camion pour faire la tournée, les collectivités sont approvisionnées tous les quatre jours seulement. Parfois, elles doivent attendre plus longtemps.

En partenariat avec la Croix-Rouge éthiopienne, la Croix-Rouge canadienne a lancé un projet d’une durée de trois mois pour accroître la capacité de distribution d’eau. Trois camions approvisionnent maintenant les quelque 29 000 résidants de Kindo Koysha, et 14 réservoirs de stockage d’eau ont été installés. Avant ce projet, une famille de cinq personnes recevait 40 litres d’eau qu’elle devait partager avec son bétail. En date du 12 juin 2017, le personnel et les bénévoles de la Croix-Rouge avaient livré 2,22 millions de litres d’eau.



Pendant qu’elle lave sa fillette, sans savon car elle ne peut pas s’en offrir, Abebech confie qu’elle craint de ne pas pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. « Parfois, j’ai le sentiment que j’aimerais disparaître d’ici afin de ne pas voir mes enfants souffrir. Mais je ne peux pas les quitter. Alors je prie Dieu de nous donner des jours meilleurs. »

En 2018, la Croix-Rouge canadienne a lancé un appel de fonds pour soutenir les quelque 20 millions de personnes en Afrique souffrant d’une grave insécurité alimentaire. Ce fonds a été fermé en janvier 2019. Grâce au généreux soutien des Canadiens, ainsi qu’aux dons des entreprises et des gouvernements, plus de 4,7 millions de dollars ont été recueillis pour appuyer cette opération.


Rejoindre, répondre, renforcer

Depuis 2015, à cause du manque de pluie combiné au phénomène El Niño de 2016, presque toutes les régions d’Éthiopie ont reçu des précipitations sous la moyenne.

La sécheresse s’est déplacée du nord au sud et au sud-est. Selon les estimations, 7,78 millions de personnes ont un urgent besoin d’aide humanitaire.

Les fermiers n’ont pas pu ensemencer leur terre, leur bétail – qui est essentiel à leur subsistance —, se meurt, et leurs réserves de nourriture sont épuisées.

« Nous avons décidé d’intensifier notre intervention compte tenu de la situation et de l’aggravation de la sécheresse dans le sud et le sud-est du pays. »

Depuis la fin de février, la Croix-Rouge éthiopienne livre de l’eau par camion dans plusieurs collectivités du district de Kindo Koysha. Le plan initial était de desservir 8 qebelés (ensemble de villages), mais il est vite passé à 16 qebelés pour répondre aux besoins croissants. En date du 12 juin, la Croix-Rouge éthiopienne avait distribué 2,22 millions de litres d’eau.

« Dans la zone de Wolaita, qui se trouve dans la région RNNPS, nous concentrons nos efforts à répondre aux besoins immédiats de la population en eau potable. Nous acheminons de l’eau par camion-citerne, là où le besoin est le plus criant. »

Afin de soutenir les efforts de la Croix-Rouge éthiopienne, la Croix-Rouge canadienne, en collaboration avec la Croix-Rouge britannique, a lancé un projet d’une durée de six mois (jusqu’en octobre 2017) pour accroître la distribution d’eau potable d’urgence. Trois camions sont mis à contribution pour approvisionner 29 000 personnes dans 16 qebelés. De plus, 14 réservoirs de stockage d’eau ont été installés, et environ 175 000 animaux ont reçu du fourrage et des médicaments pour prévenir la mortalité et les maladies.

L’approche de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
Une crise de cette ampleur exige une intervention d’envergure.

Tirant parti de leurs mandats uniques en vertu du droit international humanitaire, la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge ont réussi à gagner la confiance des différentes parties impliquées dans les conflits qui sont au cœur de ces crises. Cette confiance ainsi que les liens profonds qu’elle a su tisser avec les réseaux communautaires locaux permettent à la Croix-Rouge de rejoindre les personnes les plus vulnérables.

Une bonne partie des personnes touchées par la sécheresse habitent dans des collectivités qui sont soit difficiles à atteindre parce qu’elles ont été isolées par les conflits, soit privées de services gouvernementaux ou soit situées dans des régions difficiles d’accès. Ces collectivités sont la principale cible de la Croix-Rouge.

Le travail de la Croix-Rouge ne se limite pas aux environnements stables, où les risques sont les plus faibles et où d’autres organismes sont déjà à l’œuvre. La Croix-Rouge travaille jusqu’à la dernière ligne droite.

La dernière ligne droite, c’est là où les habitants des collectivités éloignées souffrent le plus de la misère, de l’exclusion et de l’insécurité, où ils tentent de survivre avec peu ou aucun accès aux biens et aux services les plus élémentaires.

Pour les années à venir, le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a défini trois priorités clés : rejoindre, répondre, renforcer :

  1. Rejoindre les habitants des régions difficiles d’accès et mal desservies afin de leur offrir des secours et faire en sorte que personne ne soit laissé pour compte.
  2. Répondre aux besoins en matière de santé communautaire pour prévenir et traiter la malnutrition et l’éclosion de maladies contagieuses telles que la rougeole.
  3. Soutenir les bénévoles et le personnel de la Croix-Rouge qui travaillent au niveau local à renforcer la résilience communautaire au moyen de programmes visant à rétablir la dignité, renforcer la sécurité alimentaire et soutenir le développement durable – des programmes tels que l’aide en espèces, l’assistance aux moyens de subsistance et l’amélioration en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène.

Être là quand ça compte le plus

Faire face à une épidémie meurtrière pendant une crise alimentaire

Par Kathy Mueller, Croix-Rouge canadienne

Les malades traversent l’entrée poussiéreuse du centre de traitement d’un pas traînant. Les plus âgés s’appuient sur les plus jeunes et d’autres, trop faibles pour marcher, sont transportés sur un matelas par des membres de leur famille arborant un air préoccupé. Des parents inquiets portent dans leurs bras leurs jeunes enfants amorphes et apathiques. Tous se trouvent dans un état de détresse manifeste.

Aucun de ces malades ne sait de quoi il souffre, mais tous espèrent que le personnel médical de l’équipe de réponse aux urgences (ERU) en santé de la Croix-Rouge canadienne les aidera à se sentir mieux.

L’insécurité alimentaire extrême et le risque de famine qui pèsent sur plusieurs pays de la Corne de l’Afrique ont placé des dizaines de millions d’hommes, de femmes et d’enfants au bord d’une catastrophe humanitaire sans précédent. En plus de semer la faim, la soif et la mort, la sécheresse joue également un rôle dans la propagation des maladies. En effet, les personnes qui souffrent de malnutrition sont beaucoup plus vulnérables aux infections et plus susceptibles de mourir de maladies évitables.

L’ERU a ouvert un centre de traitement pour aider à combattre une flambée de diarrhée aqueuse aiguë et de choléra qui touche des dizaines de milliers de personnes.

Puisqu’il n’est pas possible d’effectuer des tests en laboratoire, le personnel médical doit s’appuyer sur ses connaissances et son savoir-faire pour déterminer le meilleur traitement à administrer à chaque patient.

« Nous examinons les patients en les regardant et en les palpant, raconte l’infirmière Colleen Laginskie. Quelle est leur attitude générale? Comment sont leurs yeux, leur peau, leurs selles? Et, ce qui est encore plus important pour nous, quels sont leurs antécédents médicaux et comment leur organisme réagit-il depuis quelques jours? »

Au début, le centre de traitement n’était doté que de 60 lits répartis dans quatre grandes tentes. Cependant, le nombre de patients étant plus élevé que prévu, des tentes et des lits de camp ont dû être ajoutés. Les lits sont rapidement occupés par des enfants ayant besoin de soins. En date du 16 juin, plus de 2 800 personnes y ont reçu des soins.

« Peu importe où nous travaillons, que ce soit dans une tente ou dans l’environnement stérile d’un hôpital canadien, explique Colleen Laginskie, une chose ne change jamais : la qualité des soins que nous fournissons à des patients qui ont désespérément besoin d’entendre quelqu’un leur dire “Ne vous inquiétez pas, nous sommes là pour vous aider.” »


Un contexte unique à chaque pays

Somalie

Près de trente années de conflit ont laissé la population somalienne extrêmement vulnérable aux bouleversements climatiques, telles que la sécheresse et les inondations, qui surviennent de façon régulière dans ce pays. Étant donné que ces bouleversements se produisent de plus en plus souvent, la population est de moins en moins capable de s’en remettre.

Six ans seulement après la crise alimentaire aiguë qui a causé la mort de plus de un quart de million de personnes, dont la moitié était des enfants, la Somalie est aux prises avec une extrême sécheresse causée par le manque de précipitations pendant deux saisons consécutives. Cette situation risque d’avoir des conséquences humanitaires similaires.

Comment la Croix-Rouge aide la Somalie ?

  • L’intervention du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en Somalie est coordonnée et s’étend sur une base géographique.
  • Le Croissant-Rouge de Somalie est présent dans toutes les régions du pays à travers son réseau de 18 sections et sous-sections. Elle gère un programme intégré de soins de santé qui offre des activités cliniques et communautaires. Le Croissant-Rouge de la Somalie possède un réseau de 54 cliniques et 18 unités de soins mobiles.
  • Depuis la mi-février, le CICR a considérablement intensifié son assistance d’urgence et a commencé à distribuer de la nourriture et de l’argent à plus de 320 000 personnes touchées par la sécheresse. Le CICR remet également en état les systèmes de pompage d’eau et planifie l’installation d’abreuvoirs temporaires afin de réduire l’entassement des animaux qui vont s’abreuver aux points d’eau.





Soudan du Sud

Des années de conflit armé ont provoqué l’effondrement de l’économie, des déplacements massifs de population, la perte de récoltes et de bétail, une inflation considérable, la hausse des prix des aliments et une famine généralisée.

Au cours des trois dernières années, le conflit a forcé le déplacement de plus de trois millions de personnes. Les causes profondes de cette crise ne sont pas d’ordre climatique et doivent être réglées par les parties en conflit. Autrement, la situation va continuer de se dégrader.

Comment la Croix-Rouge aide le Soudan du Sud ?

  • Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est très présent au Soudan du Sud. La Croix-Rouge sud-soudanaise assure une présence locale sur l’ensemble du territoire avec son réseau de 55 unités locales regroupant 511 employés et 4 547 bénévoles.
  • Le CICR, de concert avec la Croix-Rouge sud-soudanaise, se concentre sur les régions les plus touchées par le conflit. Au total, l’objectif est d’atteindre 800 000 personnes aux prises avec la faim et la famine, dont plusieurs se trouvent dans les régions les plus durement frappées par les combats.
  • Parallèlement, des semences, des outils, de l’équipement pour la pêche et des vaccins pour le bétail seront distribués afin d’assurer un moyen de subsistance aux personnes touchées.
  • Le CICR a également en place six équipes chirurgicales qui travaillent autant dans les zones contrôlées par le gouvernement que par l’opposition armée.





Kenya

Les régions côtières et le nord du Kenya sont sévèrement touchés par des sécheresses récurrentes.

Le manque de précipitations, qui a entraîné les pertes des récoltes et de bétail, a fait doubler le nombre de Kenyans vivant sans approvisionnement alimentaire adéquat. En seulement six mois, ce nombre est passé de 1,6 million à 2,7 millions de personnes.

La vie de près de 85 000 enfants est menacée.

Le gouvernement kenyan a déclaré l’état d’urgence et a demandé l’aide internationale.

En plus des pénuries de nourriture, le Kenya a été frappé par des épidémies de choléra – une maladie potentiellement mortelle – au cours des deux dernières années.

Comment la Croix-Rouge aide le Kenya ?

  • La Croix-Rouge du Kenya soutient actuellement plus de 340 000 personnes dans les 13 comtés les plus touchés du pays.
  • La Croix-Rouge du Kenya intensifie ses activités en matière de santé et nutrition, de transferts en espèces, de déstockage par abatage d’animaux, de distribution de denrées alimentaires et d’installation ou de réhabilitation de points d’eau.
  • En plus de distribuer de la nourriture et d’améliorer l’accès à l’eau potable et aux installations sanitaires, la Croix-Rouge achète du bétail qui serait condamné à mourir de toute façon. Cela procure aux fermiers une source de revenus, et la viande est donnée à la communauté.





Nigéria

Après des années de conflit, de graves pénuries de nourriture sont maintenant une réalité pour plus de quatre millions de personnes vivant au nord-est du Nigéria.

Le conflit a déplacé plus de deux millions de personnes en quête de sécurité et de nourriture, aussi bien à l’intérieur du Nigéria qu’à l’extérieur de ses frontières, dans la région entourant le lac Chad.

Près de 90 pour cent des personnes ont trouvé refuge auprès de communautés qui sont parmi les plus pauvres au monde.

Cette situation exerce une pression énorme sur les infrastructures et les ressources déjà affaiblies, et ouvre la voie aux maladies et aux pénuries de nourriture.

Comment la Croix-Rouge aide le Nigéria ?

  • La Croix-Rouge du Nigéria compte 800 000 bénévoles et environ 400 employés rémunérés. Elle a un accès complet à tout le territoire nigérian avec ses 37 sections et ses 600 divisions actives.
  • En 2016, le CICR, en collaboration avec la Croix-Rouge du Nigéria, a fourni de la nourriture à plus de 1,2 million de personnes dans les régions touchées par le conflit au Nigéria ainsi que du soutien agricole à plus de 280 000 rapatriés afin de leur permettre de recommencer à cultiver. Il a aussi fourni à des centaines de milliers de personnes une assistance médicale, un accès à l’eau potable et des services améliorés d’assainissement et d’hygiène.





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Crédits

Photos et vidéos :
Kathy Mueller, Croix-Rouge canadienne
Jesus Serrano Redondo, CICR
Pedram Yazdi, CICR
Tomas Ärlemo, FICR
Pierre Grandidier, FICR
Arie Kievit, Croix-Rouge néerlandaise
Croix-Rouge de Norvège
Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge